Le sursis hivernal ou « trêve hivernale »

Comme chaque année le 1er novembre marque le début de la trêve hivernale, souvent mal connue dans son fond et ses champs d’applications. Revue du sujet à destination des locataires et des bailleurs concernés.

Par Maître Bruno ALMOUZNI, publié le 7 novembre 2022

Cette période pendant laquelle l’expulsion est suspendue, qui est une exception au principe même de l’expulsion, est prévue par l’article L412-6 du Code des procédures civiles d’exécution qui stipule notamment :

« Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés ne soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille.

Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s’applique pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voie de fait. »

La période concernée

La loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové dite loi Alur du 24/03/2014 fixe la date de la trêve hivernale qui s’étend donc du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante.

En cas de circonstances particulières, le gouvernement peut décider de prolonger cette période de sursis hivernal ; c’est du reste ce qui s’est produit avec la crise sanitaire puisqu’en 2020 ce sursis a été prolongé jusqu’au 10 juillet, et en 2021 il a été prolongé jusqu’au 31 mai.

Non-application de la période hivernale

Ce sursis ne s’applique pas dans les cas suivants :

– si le relogement des intéressés est assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille ;

– si les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les lieux par voie de fait (squatters qui se sont introduits dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voie de fait ou contrainte) ;

– si l’immeuble concerné fait a l’objet d’un arrêté de péril (cas du locataire qui se maintiendrait dans un immeuble présentant un grave danger).

Cas d’exclusion de la période hivernale

– occupants de locaux spécialement destinés aux logements d’étudiants, lorsqu’ils ont perdu le statut d’étudiant (article L 412-7 du CPCE) ;

– conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS, violent, suite à une ordonnance de protection délivrée par le Juge aux affaires familiales à la personne victime de violences au sein du couple (article 515-9 du Code civil) ;

– locaux non affectés à l’habitation principale.

Poursuite de la procédure d’expulsion pendant la période hivernale  

S’il doit être sursis à l’expulsion durant la trêve hivernale, dans les conditions décrites ci-dessus, il est bien évident que le propriétaire ne doit pas rester inactif, mais doit poursuivre la procédure d’expulsion même pendant cette période.

La procédure d’expulsion est une procédure qui peut être longue, qui est très encadrée par les textes qui prévoient de nombreux délais, de sorte que le propriétaire doit être diligent et mettre en œuvre les procédures afin d’obtenir dans un premier temps une décision ordonnant l’expulsion de son locataire, puis dérouler cette procédure afin que son dossier soit en état pour faire réaliser cette expulsion par un Commissaire de Justice chargé de l’exécution de cette décision.

Ainsi le Commissaire de Justice pourra assigner, durant la période hivernale, le locataire devant la juridiction compétente afin d’obtenir un titre ordonnant l’expulsion ; il pourra également durant cette même période signifier cette décision ainsi qu’un commandement de quitter les lieux et même dresser ensuite un procès-verbal de difficultés d’exécution (et en aucun cas de procès-verbal de tentative d’expulsion) avant de solliciter le concours de la force publique auprès du Préfet.

Ainsi il aura accompli toutes démarches utiles y compris durant cette période de sursis hivernal afin que le dossier soit en état pour l’obtention du concours de la force publique permettant au Commissaire de Justice de réaliser l’expulsion dès la fin de période hivernale.

Pour aller plus loin : questions à Maître Rémi SIMHON

Depuis le 1er novembre a débuté la fameuse trêve hivernale, période durant laquelle, selon l’image d’Épinal, les expulsions sont suspendues. Qu’en pensez-vous ?

Cette image est fausse ! bien au contraire, il faut inviter les propriétaires de logements, loués en impayés ou squattés par des occupants illégaux, à accélérer leurs procédures d’expulsion pendant cette fameuse trêve.

Concrètement, que conseillez-vous aux bailleurs que vous rencontrez quotidiennement dans votre étude ?

Seule l’expulsion manu militari des occupants, avec la force publique, est suspendue, mais la procédure elle-même doit impérativement se poursuivre pour franchir les obstacles des délais légaux et solliciter le concours de la force publique auprès de la préfecture.

Cela permettra également au Commissaire de Justice de maintenir une pression procédurale et explicative sur les occupants, en provoquant leur départ volontaire. Il pourra dès lors effectuer une reprise des lieux et remettre le propriétaire en possession de son bien, à tout moment de l’année.

Faut-il donc attendre la fin de la trêve hivernale pour espérer récupérer son bien ?

Pas forcément, certaines occupations échappent totalement à cette trêve et l’expulsion peut même être réalisée en toute saison, ainsi :

– des locaux commerciaux, professionnels ou autres, non affectés à l’habitation,

– des occupants rentrés sans droit ni titre dans le logement d’autrui affecté à l’habitation principale, encore faut-il que le magistrat décide expressément la suppression de la trêve dans cette dernière hypothèse, ce qui est, malheureusement, encore trop rarement jugé,

– du conjoint violent, expulsable à tout moment en vertu d’une ordonnance de protection.

Que pourriez-vous recommander à un bailleur concerné ?

Un seul conseil impératif, ne pas perdre de temps pour dérouler la procédure, y compris en hiver ; votre Commissaire de Justice vous conseillera utilement sur ce point !

Besoin d’un conseil ?

Vous pouvez contacter notre étude pour toute question complémentaire et nous exposer votre demande en la matière.

Update cookies preferences